La poésie française constitue une part importante de la littérature française
depuis les origines de la langue à l'époque carolingienne jusqu'à aujourd'hui.
la tristesse
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la vérité, j'ai cru que c'était une amie;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en ai été dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelques fois pleuré.
Alfred de Musset
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soleil couchant
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l'âpre sommet que le couchant allume;
Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
La mer sans fin commence où la terre finit.
A mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid
Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume;
Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l'Ocean s'unit.
Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
De pâtres attardés ramenant le bétail.
L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
Ferme les branches d'or de son rouge éventail.
José-María de Heredia
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Il n'y a pas d'amour heureux
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux
Louis Aragon (La Diane Francaise, Seghers 1946)
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Amis, un dernier mot !
Amis, un dernier mot ! - et je ferme à jamais
Ce livre, à ma pensée étranger désormais.
Je n'écouterai pas ce qu'en dira la foule.
Car, qu'importe à la source où son onde s'écoule ?
Et que m'importe, à moi, sur l'avenir penché,
Où va ce vent d'automne au souffle desséché
Qui passe, en emportant sur son aile inquiète
Et les feuilles de l'arbre et les vers du poète ?
Oui, je suis jeune encore, et quoique sur mon front,
Où tant de passions et d'oeuvres germeront,
Une ride de plus chaque jour soit tracée,
Comme un sillon qu'y fait le soc de ma pensée,
Dans le cour incertain du temps qui m'est donné,
L'été n'a pas encor trente fois rayonné.
Je suis fils de ce siècle ! Une erreur, chaque année,
S'en va de mon esprit, d'elle-même étonnée,
Et, détrompé de tout, mon culte n'est resté
Qu'à vous, sainte patrie et sainte liberté !
Je hais l'oppression d'une haine profonde.
Aussi, lorsque j'entends, dans quelque coin du monde,
Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier,
Un peuple qu'on égorge appeler et crier ;
Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée,
La Grèce, notre mère, agonise éventrée ;
Quand l'Irlande saignante expire sur sa croix ;
Quand Teutonie aux fers se débat sous dix rois ;
Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête,
Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête ;
Lorsqu'Albani gouverne au pays de Caton ;
Que Naples mange et dort ; lorsqu'avec son bâton,
Sceptre honteux et lourd que la peur divinise,
L'Autriche casse l'aile au lion de Venise ;
Quand Modène étranglé râle sous l'archiduc ;
Quand Dresde lutte et pleure au lit d'un roi caduc ;
Quand Madrid se rendort d'un sommeil léthargique ;
Quand Vienne tient Milan ; quand le lion belgique,
Courbé comme le boeuf qui creuse un vil sillon,
N'a plus même de dents pour mordre son bâillon ;
Quand un Cosaque affreux, que la rage transporte,
Viole Varsovie échevelée et morte,
Et, souillant son linceul, chaste et sacré lambeau,
Se vautre sur la vierge étendue au tombeau ;
Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre,
Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre
Je sens que le poète est leur juge ! je sens
Que la muse indignée, avec ses poings puissants,
Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône
Et leur faire un carcan de leur lâche couronne,
Et renvoyer ces rois, qu'on aurait pu bénir,
Marqués au front d'un vers que lira l'avenir !
Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense.
J'oublie alors l'amour, la famille, l'enfance,
Et les molles chansons, et le loisir serein,
Et j'ajoute à ma lyre une corde d'airain !
Victor Hugo
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mina